Dt 26, 4-10a ; Rm 10, 8-13 ; Luc 4, 1-13
La tentation de Jésus au désert
Frères et sœurs,
La liturgie de ce premier dimanche de Carême nous propose chaque année de méditer sur les quarante jours passés par Jésus au désert. Ces jours constituent un prototype du temps qui s’ouvre devant nous pour nous préparer à la célébration de la Pâque. De même que Jésus a été au désert pendant quarante jours pour affronter l’épreuve, de même nous sommes invités à entrer dans un chemin de conversion pendant quarante jours.
I. La tentation de Jésus : Être fils de Dieu, la tentation de la toute- puissance.
« Après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint…. fut conduit à travers le désert pour être tenté ». Nous devons donc comprendre que le baptême du Christ, au moment où il est rempli de l’Esprit-Saint, ouvre devant lui un temps d’épreuve.
Quelle est donc la nature de cette épreuve ? L’Evangile nous dit qu’il est tenté par le Démon. Quel est le contenu de cette tentation ? L’épreuve porte sur le titre qui lui a été donné au moment de son baptême : « Tu es mon Fils, mon bien-aimé « .
En effet, la tentation consiste à lui dire : Si tu es le Fils de Dieu, – comme on vient de l’entendre au moment du baptême -, si tu es le Fils de Dieu, alors tu peux ordonner à cette pierre de devenir du pain ; si tu acceptes de te prosterner devant moi, je te donne la possession du monde ; si tu es le Fils de Dieu, jette-toi du haut du Temple. Bref, l’épreuve à laquelle le Christ est soumis est la conséquence directe de son baptême et du titre du Fils de Dieu qu’il a reçu.
Le diable commence par suggérer à Jésus de prouver sa filiation divine en transformant des pierres en pain. Cependant, se nourrir soi-même au moyen d’un tel prodige, ce serait renoncer à se recevoir entièrement de Dieu. Or, la véritable nourriture de Jésus est de faire la volonté de son Père. La deuxième tentation fait miroiter les séductions du pouvoir, cette ivresse qui menace quiconque exerce une autorité sur autrui. Et l’ultime piège, c’est le rêve superstitieux de la toute-puissance. Or, à la différence de tous les gourous de ce monde, Jésus tire de sa foi en Dieu une liberté souveraine vis-à-vis de toutes les puissances humaines.
Nous comprenons en entendant ce récit comment cette épreuve vécue par le Christ est pour nous une introduction à un élément constitutif de notre vie chrétienne : nous aussi, baptisés dans l’Esprit-Saint, nous sommes devenus enfants de Dieu. Et c’est sur cette qualité d’enfant de Dieu que va porter l’épreuve qui est dès l’instant une épreuve de la foi.
Comme il n’est pas si évident de s’attacher au Christ, nous pouvons parfois détourner le don qui nous est fait lorsque nous devenons fils de Dieu et renier le Père qui est la source de cette filiation. C’est pourquoi, nous le voyons, la réponse de Jésus aux tentations du Démon consiste à reprendre la parole de Dieu lui-même : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras. Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu « .
Frères et sœurs, l’épreuve de la foi, c’est de nous donner l’impression que nous pouvons vivre en faisant l’impasse sur la présence de Dieu, sur sa parole et sur l’appel qu’il nous adresse. C’est pourquoi la même liturgie nous introduit à ce temps d’épreuve en nous rappelant l’histoire du peuple d’Israël en Egypte. Elle nous rappelle comment ce peuple trouve sa délivrance par le cri qu’il pousse vers le Seigneur.
II. Reconnaître que nous sommes le peuple que Dieu libère.
En apportant au Seigneur les premiers fruits de leurs récoltes, aux grandes fêtes de l’année, les Hébreux récitaient l’histoire de leur salut. Ils disaient : « Nous avons été brimés… nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères, il a entendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, il nous a fait sortir d’Egypte « .
Voilà le Dieu auquel nous croyons : celui qui entend la prière de son peuple, celui qui répond à sa supplication, celui qui le mène vers le chemin du salut ; ou, pour reprendre la formule de l’Epître aux Romains de saint Paul : « Tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés « .
Nous sommes aujourd’hui le peuple sauvé par Dieu. Voilà pourquoi nous apportons les premières gerbes de nos récoltes qui prouvent notre libération, car elles sont le fruit de la terre que le Seigneur nous a donnée pour le servir, le fruit de notre travail d’hommes libre et non plus celui des esclaves d’Egypte.
III. Un chemin que nous avons aussi à emprunter
Dans ce premier temps du chemin que nous sommes invités à parcourir en vue de renouveler notre profession de foi baptismale, une question nous est posée : de qui attendons-nous le salut ? Sommes-nous vraiment convaincus que nous ne pouvons pas nous substituer à la puissance de Dieu pour mener l’homme au bonheur et à la vie ? Ou bien croyons-nous que, parce que Dieu nous a donné quelques moyens, nous pouvons, par nos propres forces, nourrir l’humanité qui a faim ? Ou encore, utiliser les biens qu’il nous a donnés pour notre propre satisfaction ? Ou pire encore, Que nous pouvons entrer dans un projet de domination sur le monde puisqu’il nous a faits, par sa création, gérants de cet univers ?
Le temps du Carême n’est pas seulement ni d’abord un temps de pénitence basé sur des privations. C’est, d’abord et avant tout, un temps d’épreuve de la foi.
Vivons-nous vraiment l’épreuve de la foi ? Et croyons-nous que c’est par la Parole de Dieu que nous pouvons surmonter cette épreuve ?
Prions donc le Seigneur que, pendant cette semaine qui ouvre le temps du Carême, nous soyons à l’écoute de cette parole qui est dans nos cœurs et sur nos lèvres ; que nous n’allions pas chercher de toute part dans le monde les moyens de nous sauver alors qu’ils sont en nous parce que Dieu est venu visiter son peuple, parce que l’Esprit-Saint est venu habiter nos cœurs, parce que la foi a été répandue dans nos âmes. C’est par Lui que nous pouvons surmonter cette épreuve de la foi. C’est en Lui que nous mettons notre espérance, à Lui que nous adressons notre cri. Amen
Abbé Hugues Mbatizoma