Dimanche 5 avril. Ce soir nous entendrons nos deux cloches de 2012 de concert. Romane et Benjamine, si et do#. Sonnerie rapide et juste un ton de différence : c’est serré.
Où sont passées les cloches installées après l’incendie de 1905 ? La cloche Guibert s’est fêlée en 1926 et fut remplacée l’année suivante par un modèle au profil plus léger. De cet ensemble, il nous reste uniquement Benoît, la plus petite. Les autres subirent le même sort funeste que bon nombre de leurs sœurs : elles furent enlevées et fondues durant la Seconde Guerre mondiale lorsque l’Occupant, en manque de métal, décida de réquisitionner les cloches.
Pratiquement toute la Belgique fut concernée par la réquisition. La règle de base était de laisser au moins une cloche par clocher pour assurer un service minimal. Bien entendu, ce sont les plus grosses cloches qui en firent les frais. Quitte à emporter une cloche, autant prendre un maximum de métal.
Contrairement à d’autres pays ou régions, la Belgique, voyant arriver les choses, s’était organisée pour sauvegarder les cloches qui pouvaient l’être en raison de leur valeur patrimoniale. Le premier critère pour déterminer cette valeur était l’âge. Les cloches furent donc classées sur cette base et on essaya, chaque fois que c’était possible, que les plus anciennes soient conservées au moins comme cloches d’appel.
Nous sommes en juin 1943 lorsque l’Occupant emporte quatre des cinq cloches du beffroi. Après avoir infligé la souffrance de la guerre à la population, il lui retire maintenant sa voix, son patrimoine.
Toutes les cloches du beffroi datant d’après 1850, elles entrent dans la catégorie A, de moindre valeur, et seule la plus petite peut rester. C’est comme ça que Benoît est épargnée. Les autres, dont le bourdon, prennent le chemin de l’Allemagne. Elles n’en reviendront pas.
Illustrations : L’enlèvement : Fonds Lucien Hoc, Cercle royal ‘Art et Histoire’ de Gembloux. Le bourdon et, à droite, la cloche Marie entreposés en attendant l’acheminement vers l’Allemagne : IRPA. Reçu de la Kommandantur (poids théoriques : archives communales – article Manu Delsaute